Appel : La fantasy au prisme des médias
BD, jeux, cinéma, télévision, musique… : métamorphoses d’un genre et de ses usages
Jeudi 19 et vendredi 20 mai 2022
à Epinal dans le cadre du Festival des Imaginales
Direction scientifique : Anne Besson (Université d’Artois), Stéphanie Nicot (directrice artistique des Imaginales), Natacha Vas-Deyres (Université de Bordeaux-Montaigne) et Florent Favard (Université de Lorraine)
Comité d’organisation : Stéphane Wieser (directeur du Festival des Imaginales d’Epinal), en association avec le Comité d’Histoire régionale – Région Grand Est
La fantasy se présente dès ses origines comme un genre multimédiatique, favorisant des formes de création et de réception qui empruntent aussi bien les voies de l’écrit que de l’image, du son ou de l’objet – William Morris, un des créateurs de la fantasy romanesque à la fin de sa fructueuse carrière, n’était-il pas, aussi et indissociablement, designer, créateur d’arts graphiques et décoratifs, peintre, éditeur, traducteur, poète… ? Tout au long de l’histoire du genre, les romanciers ont été aussi illustrateurs, comme J.R.R. Tolkien, Mervyn Peake ou plus récemment Melchior Ascaride par exemple, musiciens, comme Michael Moorcock ou Morgan of Glencoe, puis scénaristes pour le cinéma ou la télévision, de George Martin à Estelle Faye, ou encore et très souvent rôlistes, de Raymond Feist à Jean-Philippe Jaworski. Quand ce n’était pas l’auteur qui exerçait sur plusieurs médiums, ce sont certaines œuvres dont l’appréhension s’est faite en fonction de leurs avatars visuels, audiovisuels ou vidéo-ludiques – le Conan de Robert E. Howard prend ainsi forme dans les images de Frank Frazetta, avant que sa perception ne soit largement transformée, voire déformée, par le film de John Milius en 1982. Les textes d’Andrzej Sapkowski consacrés au Sorceleur, parus en Pologne au début des années 90, n’ont accédé à une très large reconnaissance qu’à l’occasion de leur adaptation en jeu vidéo à partir de 2007, avant que l’ensemble ne donne lieu à une série télévisée diffusée sur Netflix en 2019.
La dynamique de « world builiding », fondamentale à la fantasy, fournit une piste « interne » pour comprendre un tel déploiement multi ou trans-médiatique – tout un monde à explorer, cela nécessite d’y donner accès par tous les sens, de le faire voir et entendre, d’en développer la culture matérielle et d’en documenter l’existence dans des manuels de règles, afin d’y permettre l’immersion la plus complète. Les « univers partagés », créations collectives comme Thieves’ World de Robert L. Asprin, ou étendues, comme autour du Darkover de Marion Zimmer Bradley, font partie des expériences les plus caractéristiques de ce qui fait la spécificité de la fantasy, dans le mélange des supports médiatiques comme dans les passages entre création et réception qu’elle permet. En cela le genre entretient le plaisir de pratiques courantes de l’imaginaire enfantin, et ce n’est pas un hasard si une part des univers parmi les plus développés sont (au départ !) destinés au jeune public, de Yu-gi-oh à Harry Potter.
L’extension progressive du succès de la fantasy est également à prendre en compte comme piste « externe » expliquant la pérennité et l’ampleur toujours plus grande prises par ces mondes multimédiatiques. On constate aujourd’hui l’explosion du nombre de séries télévisées du genre sur les plateformes numériques, dans la lignée de premiers succès comme Game of Thrones, The Witcher ou Shadow and Bone – alors que la fantasy était jusqu’alors peu exploitée sous cette forme. Elle a toujours été en revanche extrêmement bien représentée, voire hégémonique, dans les différents médias ludiques dont le succès ne cesse de croître, augmentant du même coup sa visibilité : jeux de rôle, jeux vidéo, mais aussi jeux de société, de cartes, de plateaux, sont concernés.
Il s’agira, dans ce troisième colloque des Imaginales, d’observer la variété, la convergence et les spécificités des formes de la fantasy – la fantasy en images, animées ou non, la fantasy en musique, en spectacle, dans les différentes formes du jeu, dans les loisirs et les pratiques – en s’attachant particulièrement à leur histoire et à leurs évolutions :
- quand, comment, pourquoi, la fantasy a-t-elle colonisé tel ou tel territoire médiatique ? Selon quelles affinités particulières ? Ainsi le recours à l’animation, au cinéma ou à la télévision, qui de Disney à Miyazaki a donné à l’adaptation de romans de fantasy certains de ses plus beaux fleurons, est-il rendu obsolète par l’avancée des effets spéciaux numériques intégrés sur prise réelle ? Le jeu de rôle « papier », ou le jeu de figurine, ont-ils été modifiés dans leurs ambitions ou leurs modalités pratiques par le développement du jeu vidéo sur le même créneau du medfan ? Qu’apporte encore aux mondes de fantasy leur développement récent sous forme de séries télévisées ?
- comment le multimédia (les processus d’adaptation mais aussi la co-présence de médias dans une même œuvre) ou le transmédia (déploiement de récits différents en fonction des supports) se complémentent-ils ou se concurrencent-ils dans les exemples des univers de fantasy ? Des exemples précis – l’adaptation d’un roman en bande dessinée par exemple – ou plus surplombants – le grand retour du roman illustré, des formats moins étudiés comme la comédie musicale de fantasy ou le concert de musique de film, par exemple, pourront être envisagés.
- Les publics de la fantasy : sont-ils les mêmes dans ces différentes incarnations médiatiques ? Quel(s) public(s) pour quel support ?, et leur éventuelle différenciation peut-elle contribuer à expliquer un « maillage » toujours plus fin de l’écosystème culturel par le genre ? par quelles formes enfin s’exprime leur propre appropriation du genre, empruntant à son tour aux médias les plus variés, fanfictions, fanarts, filks, cosplay, réalisation de vidéos, de films, entretenant et diffusant encore l’emprise de la fantasy au travers des médias… ?
Les propositions de communications, d’une demi-page environ, sont à faire parvenir aux directeurs scientifiques, accompagnées d’une présentation biobibliographique, pour le 31 janvier 2022 au plus tard.
Comité scientifique
Victor Battagion
Mélanie Bourdaa
Claire Cornillon
Matthieu Letourneux
Sébastien Denis
Hélène Machinal
Nicolas Labarre
Sébastien François
David Peyron
Sébastien Genvo
Guillaume Baychelier