INTERVIEW de Philippe JOZELON pour les IMAGINALES 2016 (par Orfilinn)

Vous connaissez le festival, pour y être déjà venu en 2005 ; vous voici de retour cette année, avec en plus une exposition ! Pouvez-vous dans un premier temps nous parler de votre univers ?

« Je suis donc illustrateur (de couvertures de livres) depuis pas mal d’années, et j’ai œuvré notamment au Fleuve Noir en illustrant la collection Bibliothèque du Fantastique et surtout la collection La Compagnie Des Glaces de G.J. Arnaud. Par la suite, j’ai travaillé pour la plupart des éditeurs du genre, en Fantastique principalement. Tout en illustrant ici et là, j’ai développé en parallèle un univers graphique qui tentait d’échapper justement aux codes de l’illustration et de l’anecdote. C’est cet aspect de mon travail qui fait actuellement l’objet de cette exposition à Epinal, HANTISES.

Je ne crois pas avoir eu de « périodes » très distinctes et successives, le Fantastique a toujours été mon genre préféré car il permet, selon moi, de visualiser et mêler à la fois des aspects du monde « réel » et des mondes invisibles, avec finalement peu de codes trop dogmatiques ou alors facilement contournables, contrairement aux autres genres, la SF ou la Fantasy. Le fantastique est donc un terrain graphique extrêmement libre dans lequel je peux parfois et dans le meilleur des cas, y laisser une empreinte personnelle plus forte.

Depuis quelques années, les commandes illustratives se sont raréfiées très sévèrement, ce qui m’a permis de retravailler de manière plus intensive mes créations personnelles, dont ce projet HANTISES, dédié à la ville de Tonnerre (dans laquelle je vis depuis 2 ans) et à des mondes en ruines ou à l’abandon. »

Comment travailles-tu tes œuvres ? Quelles sont tes techniques de travail ?

« Que ce soit pour mes travaux illustratifs ou plus personnels, comme Hantises, j’emploie depuis des années les techniques numériques, plus spécialement Photoshop. Pour moi, qui ai une formation artistique très traditionnelle (peinture, dessin), les outils numériques représentent une continuité et un enrichissement (puisque je rajoute la photographie) dans ma manière de faire des images. Je ne rentre pas dans les conflits de chapelle que mes collègues adorent, « tradi vs digital » car j’ai toujours aimé peindre (acrylique, huile) d’une certaine manière, et, par le numérique, j’ai le sentiment de poursuivre, en plus subtil, ce goût pour l’acte de peindre. Avant l’arrivée des outils numériques, je bricolais déjà sur des montages de photocopies sur papier et transparents et repeignais dessus. Je regrette juste d’avoir tardé à me mettre aux outils numériques, mais bon, le pas est franchi depuis longtemps et ça me convient parfaitement. Et, il n’est pas interdit de penser qu’un de ces jours, je rebricolerai le papier, le pinceau et la peinture acrylique ou autre. »

 

 

Concernant l’exposition : de l’idée de départ à la réalisation finale, comme tout cela s’est-il construit ?

« Il y a tout d’abord le concept Hantises : une recherche personnelle, non illustrative, non narrative sur des climats, des lieux (maisons anciennes de Tonnerre) particuliers et « hantés » par la vie passée des gens qui y vivaient et par ce que ces lieux sont devenus, abandonnés, envahi par la nature parfois, mais toujours vibrants… ce sont ces vibrations que j’ai envie de saisir et montrer, ainsi que la conservation, très artistique de la mémoire (des lieux). Ce projet qui ne fait que démarrer (depuis 2 ans) et que j’espère publier sur papier un jour, évolue et me permet de tester des manières différentes de travailler. Il se trouve que ces images intéressent plus de monde que je ne l’imaginais, et surtout un public non tonnerrois, j’ai donc testé une première petite exposition à Nancy il y a quelques mois, grâce à Florence Dolisi. Et ainsi, Stéphane Wieser à découvert cet univers et m’a proposé aussitôt de participer aux Imaginales avec cette exposition…. Et voilà ! 🙂 »

Que souhaitez-vous susciter  auprès des personnes parcourant votre exposition ?

« Comme la plupart des artistes qui montrent leur travail, j’espère simplement que la plupart de ces images feront un peu rêver, voyager le public, et leur permettra d’interpréter à leur guise ces petites vibrations tonnerroises. Et c’est aussi le moyen d’évoquer Tonnerre en Bourgogne, et de partager ainsi ma passion pour cette ville très étrange. Je préfère que les gens s’intéressent directement au fond, au contenu des images en leur permettant de s’approprier leurs sens, plutôt que de se perdre dans les éternelles et ennuyeuses discussions des techniques et du genre (photographie ou pas, peinture ou pas etc.). »

Vous revenez donc aux Imaginales, où vous serez présent le vendredi et le samedi. Le festival a beaucoup évolué en 10 ans ! Quelle est votre impression ? 

« Effectivement, c’est pour moi un retour dans le petit monde curieux de la SFFF, après de longues années d’amnésie générale ! C’est à la fois très amusant, flatteur et aussi un peu anxiogène car je vais y croiser des gens qui ne m’ont plus adressé la paroles depuis des années-lumières, des éditeurs indélicats et silencieux et une faune tout aussi absente auparavant donc bon… on verra bien !! J’y ai aussi gardé quelques belles amitiés, et je me réjouis de les voir. Comme je suis devenu un animal assez sauvage, je saurai m’enfuir si besoin est ! 🙂 »