Interview de Sylvie Miller et Lionel Davoust / par Orfilinn
Sylvie Miller et Lionel Davoust, vous avez repris pour la deuxième année consécutive le rôle de co-directeurs de l’anthologie du festival. Découvrons ensemble les arcanes de cette cinquième anthologie, publiée par Mnémos. D’abord le thème : Elfes et assassins. Comment a-t-il été choisi?
Lionel : Nous avions très envie de faire honneur à un archétype aussi vieux que la fantasy elle-même, charismatique par sa noirceur et complexe par sa morale : le voleur au sens large, le brigand, que nous avons poussé au maximum en la personne de l’assassin. En face, il fallait une figure lumineuse pour créer une rencontre intéressante, mais tout aussi ambigüe, qui appuie la facette magique du genre : l’elfe s’est imposé.
Sylvie : Le thème doit permettre des traitements variés. Les auteurs nous ont fourni des textes très différents qui explorent toutes les facettes de la fantasy.
S’il fallait résumer la direction artistique de cette anthologie, comment vous y prendriez-vous ?
Lionel : Nous restons dans l’optique et les exigences des quatre premiers opus : montrer la vitalité, la profondeur et la diversité du genre ! Nous souhaitons que les nouvelles emportent le lecteur, par des aventures épiques ou des émotions fortes, et qu’elles présentent une richesse et une profondeur marquantes. Montrer, en somme, que la fantasy est une littérature de magie et d’évasion, sachant aussi toucher des questions fondamentales, aussi anciennes que l’humanité elle-même.
Sylvie : Lionel et moi avons la même vision. Nous envisageons la fantasy au sens large, avec les nombreux courants littéraires qui la constituent ou qui s’y rattachent. Nous l’avons clairement annoncé dans l’appel à texte envoyé aux auteurs.
Parlons justement des auteurs. Treize se sont investis dans cet ouvrage. Comment ont-ils été choisis, qu’est-ce qui les a motivés pour cette aventure ?
Lionel : Une fois le thème choisi, nous établissons, Sylvie et moi, la liste des auteurs que nous aimerions inviter à travailler dessus, parce que leur goût du domaine est reconnu, ou au contraire, parce que nous aimerions les voir dans un genre différent de leur genre habituel. Ensuite, il s’agit simplement de le leur demander…, d’espérer qu’ils soient intéressés et que leur emploi du temps leur laisse la liberté de participer !
Sylvie : Nous sommes très chanceux : sur les deux opus que nous avons dirigés, la plupart des auteurs contactés ont été ravis de nous écrire une nouvelle. Il faut dire qu’au fil des ans, l’anthologie des Imaginales est devenue un ouvrage de référence qui rassemble le meilleur de la fantasy française.
Ces auteurs sont d’horizons variés. Comment les dirigez-vous, ont-ils des contraintes d’écriture ?
Sylvie : Durant toutes les phases d’élaboration de l’anthologie, Lionel et moi travaillons en étroite collaboration, échangeant fréquemment nos impressions sur les corrections à apporter et sur les versions successives des textes.
Lionel : Les auteurs n’avaient aucune contrainte si ce n’est la direction artistique évoquée plus haut, ainsi, évidemment, que l’appartenance à la fantasy. Nous préférons que les écrivains partent dans les directions qui leur plaisent. Une fois les textes rendus, nous avons une phase de re-travail et de correction avec les auteurs, comme toujours dans n’importe quelle direction d’ouvrage. Dans cette étape, nous nous attachons par-dessus tout à respecter la volonté de l’auteur (c’est capital pour nous, qui sommes auteurs nous-mêmes) et nous nous efforçons d’aller dans son sens en faisant des propositions pour, le cas échéant, appuyer les effets choisis, renforcer le discours du texte. Cela s’apparente un peu à proposer quelques idées pour polir une gemme déjà présente et renforcer encore son éclat. Quoi qu’il arrive, l’auteur a le dernier mot.
Comment est choisi l’ordre des nouvelles dans l’ouvrage ?
Lionel : L’ordre des nouvelles constitue un parcours. Il faut que le lecteur éprouve du plaisir à cheminer, que chaque texte soit mis en valeur aux côtés de ses camarades. On ne va pas placer tous les textes drôles ensemble, mais pas non plus les saupoudrer parmi des textes poignants : cela casserait les effets des uns et des autres. Il faut également prendre en compte les possibles attentes du public, entre fantasy classique et genres plus modernes comme le réalisme magique, guider la promenade. C’est comme une composition florale, il faut que les couleurs et les formes soient équilibrées et harmonieuses… Nous organisons cela avec plein de petits papiers ! Sur chacun, un titre, et on les déplace, les arrange, jusqu’à ce que l’équilibre des saveurs nous semble le bon. Voir, à ce propos, ce que Lionel a publié sur son blog.
Vous avez de bonnes raisons d’être invités au festival, car vous avez chacun une actualité bien chargée. Vous pouvez nous en parler ?
Lionel : Pour ma part, il y a énormément de choses à la fois ! En plus d’Elfes et Assassins, une nouvelle intitulée Derrière les barreaux figure au sommaire de l’anthologie des Coups de cœur des Imaginales, dirigée par Stéphanie Nicot chez Les Trois Souhaits. Et je suis très heureux de dévoiler le dernier volume de la trilogie Léviathan, intitulé Le Pouvoir, avec les ultimes révélations du mystère ! C’est une chasse à l’homme dans la tradition du thriller, mais immergée dans le roman d’initiation et la fantasy urbaine : des mages aux pouvoirs sombres traquent un homme seul pour le savoir interdit qu’il détient sur lui-même. Dans le même temps, le premier volume, La Chute, ressort en poche chez Points.
Sylvie : De mon côté, une actualité également assez chargée : après la parution aux éditions Critic, en novembre, du premier tome de la série Lasser, Détective des Dieux sur laquelle je travaille avec Philippe Ward (Un privé sur le Nil), a été publié en mars le tome 2, Mariage à l’égyptienne. Le premier volume était constitué de différentes enquêtes, le deuxième présente une seule affaire qui entraînera notre détective en dehors de l’Égypte, le soumettant aux divinités égyptiennes, mais aussi aux dieux grecs, gaulois et mésopotamiens. Nous travaillons déjà sur le tome 3, prévu en 2014. Signalons par ailleurs la réédition en format numérique, chez Actusf, de Noir Duo, un recueil qui rassemble des nouvelles coécrites avec Philippe Ward, et des textes en solo.
Il y a un temps prévu consacré à l’anthologie durant le festival. Quand cela se déroulera-t-il et de quelle façon ?
Sylvie : En effet, un des cafés littéraires du festival est habituellement consacré à l’anthologie des Imaginales. Lionel et moi présenterons donc Elfes et Assassins au public le samedi à 15 h, en compagnie de Raphaël Albert, Pierre Bordage, Fabrice Colin, Xavier Mauméjean et Rachel Tanner. Nous aurions aimé avoir autour de nous l’ensemble des auteurs mais les contraintes du festival ne le permettent pas. Nous nous entretiendrons avec nos invités qui nous parleront de leur texte pour Elfes et Assassins et, plus largement, de leur travail littéraire. Notre but est, avant tout, de donner à lire au public des écrivains que nous aimons.