THÈME 2024 : MEMENTO MORI

Thème

Souviens-toi que tu meurs.

C’est la mort qui fait que la vie est un don. François Cheng

Repousser les limites, ou en tous les cas, les interroger. Que ce soit dans les peintures de Vanités ou au travers de la mort du héros ou de l’héroïne, l’art interroge la fin, j’aurais envie de dire : Éternellement.

Entre les recherches médicales sur la mort du cerveau et la fin du roman, servons-nous de toutes les figures tutélaires mises à notre disposition pour repousser cette limite. A l’aide de vampires, zombies, fantômes et autres golems, goûtons ensemble la joie de frôler cet interdit pour l’apprivoiser, mieux l’appréhender et le regarder droit dans les yeux.

D’après Henri CORBIN, ce qui relève de l’imaginal n’est pas irréel. C’est quelque chose qui a une consistance et une teneur propre : « Ce monde de l’Imaginal est un intermédiaire entre le monde des idées et le monde sensible, il est ce qui rend possible le passage de l’un à l’autre. Et il a un rôle particulier à jouer dans la réflexion sur la résurrection et la connaissance de la vie post-mortem ».

Aborder ce thème pour mieux le connaitre, entendre les artistes, auteurices, intervenant-es au sujet de cette peur ultime, permet de mieux comprendre ce passage, comme un rituel de transmutation que nous ferions les yeux ouverts.

Dans son livre « Au bonheur des morts », la philosophe Vinciane Despret nous dit que « les morts « font de la place » en permettant à d’autres vivants de trouver la leur. Il faut rendre à cette idée son sens le plus actif : les morts font de la place au sens où ils dessinent de nouveaux territoires. Non seulement les morts posent aux vivants des problèmes géographiques – situer des lieux, inventer des places –, mais ce sont, à la lettre, des géographes. Ils dessinent d’autres routes, d’autres chemins, d’autres frontières, d’autres espaces. »

« Les annonces mortuaires sont à cet égard exemplaires ; Vinciane Despret en cite deux : « Si regarder en arrière te donne du chagrin et regarder en avant t’inspire de l’inquiétude, alors regarde à côté de toi : je serai toujours là » ; ou encore : « Ce n’est pas parce que je pars que je m’en vais. » »

Faisons de la place cette année pour ce grand thème au sein des Imaginales, pour repousser ensemble, autant que faire se peut, les frontières du mystère le mieux gardé de l’humanité.

Raconte-moi la fin du livre, que je puisse passer au suivant.

Gilles FRANCESCANO

Directeur artistique des Imaginales

Les mondes imaginaires

Fantasy, roman historique, science-fiction, fantastique… Mais, c'est quoi tout ça ? En trois mots : tout ce qui ne relève pas du réalisme ou du roman psychologique. Aux Imaginales, on ne trouvera donc pas d'auteur qui ne raconte pas d'histoire ! Pas de récit autobiographique non plus… Comment s'y retrouver ? On essaie ?

La Fantasy

Un monde généralement archaïque ou de type médiéval, où la magie joue souvent un rôle et où l’on croise rois et capitaines, sorciers et mercenaires, fées et princesses.

De l’aventure et le bonheur de lire avant toute chose !

Quelques noms : Robin Hobb (cycle Le Soldat Chamane, cycle L’Assassin Royal), Glen Cook (cycle La Compagnie Noire), Stephen R. Donaldson (cycle L’Appel de Mordant), Pierre Pevel (cycle de Wielstadt), Henri Lœvenbruck (cycle Gallica), Pierre Pelot (Konnar le barbant), et bien sûr J.R.R. Tolkien (Le Seigneur des Anneaux), etc.

La bit-lit

De la fantasy urbaine, qui mord (to bite = mordre) et qui assume totalement son statut de littérature de distraction ! Avec une succursale : la romance paranormale. Des vampires, des loups-garous, des fantômes ou des démons.

Littérature à succès, la bit-lit envahit les télévisions du monde entier (Buffy contre les vampires, True Blood, Vampire Diaries…), les salles de cinéma (Twilight) et la plupart des librairies.

Quelques noms : Laura K. Hamilton (Plaisirs coupables), Patricia Briggs (L’Appel de la lune), Jaye Welles (Métisse), MaryJanice Davidson (Vampire et fauchée), Cassandra O’Donnel (Pacte de sang).

Le roman historique

Un arrière-plan réaliste, où passent des silhouettes du passé connues des lecteurs, avec des personnages principaux et des aventures inventées, au moins en partie. Le modèle en est Alexandre Dumas et Les Trois mousquetaires.

La fusion du réalisme et de l’imaginaire.

Quelques noms : Ken Follet (Les Piliers de la terre), Jean-François Parot (Les Enquêtes de Nicolas Le Floc’h), Ellis Peeters (Frère Cadfaël), Jeanne Cressanges (Le Luthier de Mirecourt), Roy Lewis (Pourquoi j’ai mangé mon père), Mika Waltari (Sinouë l’égyptien), etc.

La science-fiction

Des mondes alternatifs, généralement situés dans un futur plus ou moins lointain, sur Terre ou dans l’espace, mis en scène avec un minimum de crédibilité.

De la conquête spatiale à la critique sociale. Mais l’interrogation éthique n’est pas loin !

Quelques noms : Johan Heliot (La Lune seule le sait), Alain Damasio (La Horde du contrevent), Stephen Baxter (Les Vaisseaux du temps), Andreas Eschbach (Des Milliards de tapis de cheveux), Dan Simmons (Hypérion), Jack Vance (Le cycle de Tschaï), et bien sûr Frank Herbert (Dune), etc.

Le fantastique

L’irruption du surnaturel dans le monde réel. Gare aux fantômes, loups-garous, vampires et autres joyeusetés !

L’idéal pour se faire peur !

Quelques noms : Kai Meyer (La Fille de l’alchimiste), Elizabeth Kostova (L’Historienne et Drakula), Anne Rice (Les Chroniques des Vampires), Mélanie Fazi (Arlis des Forains), Francis Berthelot (Le Jeu du cormoran), Graham Joyce (Lignes de vie), et bien sûr Stephen King (Shining), etc.

Nombre d’invités du festival jouent dans plusieurs catégories comme Francis Berthelot (science-fiction, réalisme magique), Pierre Bordage (fantasy, science-fiction, roman historique), Jean-Louis Fetjaine (fantasy, roman historique), Alain Grousset (science-fiction, roman historique), Andrea H. Japp (polar, roman historique) ou Joëlle Wintrebert (science-fiction, roman historique). Sans oublier Pierre Pelot, l’auteur inclassable (roman noir, science-fiction, roman historique, littérature générale).

La Parabole du chat

Un genre littéraire ne se reconnaît pas à ses éléments externes. La présence d’un vampire, d’un dragon ou d’un extraterrestre dans un roman n’implique pas automatiquement, ipso facto, que l’œuvre relève du fantastique, de la fantasy ou de la science-fiction. Par contre, cela signifie que le texte s’inscrit dans le champ des littératures dites « non-mimétiques », appelées ainsi parce qu’elles ne cherchent pas à mimer la réalité – contrairement aux littératures « mimétiques », auxquelles appartiennent entre autres le mainstream (c’est-à-dire la littérature générale), le roman historique ou le polar.

Ce qui caractérise un genre littéraire, c’est son fonctionnement interne. Prenons un exemple. Imaginons que dans un roman, il y ait une scène où un chat demande à manger à son maître.

Si le chat se frotte et se refrotte contre la jambe de son maître, miaule à fendre l’âme, bref se comporte comme un chat ordinaire : vous êtes dans un roman relevant de la mimesis, c’est-à-dire de la littérature mimétique où la littérature mime le réel. Après, que ce soit un roman historique, psychologique, sentimental ou policier, peu importe, cela ne dépend pas du chat.

Maintenant, si le chat se met à parler pour réclamer son ron-ron, du style : « Alors, elle vient ma gamelle ? J’ai la dalle, moi ! », alors là, pour sûr, vous êtes dans la littérature non-mimétique, car un chat qui parle, cela n’existe pas dans notre univers connu. Reste à savoir dans quelle branche des littératures non-mimétiques nous sommes.

Si le maître manque de défaillir de stupéfaction, se demande s’il n’est pas en train de devenir fou, si ce chat n’est pas un suppôt de Satan, etc. et que, à la fin du roman, ni le maître, ni le lecteur n’ont de réponse : vous êtes dans le Fantastique.

Si la situation est admise, banale, mais que l’auteur ne justifie absolument pas cette situation extraordinaire, vous êtes dans la Fantasy.

Mais si l’auteur a rendu plausible cette situation, par des explications sérieuses ou pseudo-sérieuses (le chat est, en fait, un extraterrestre, un robot, ou bien il a subi des manipulations génétiques), alors vous êtes en pleine Science-fiction !

Denis Guiot
Directeur de collection